En 1788, Sébastien Vié est employé au Moulin du Roi, qui est à la fois un moulin farinier et un foulon ; il épouse alors la fille d'un boulanger des faubourgs de la Cité et le jeune ménage dispose en tout de 3.000 livres.

Or, pendant la Révolution notre meunier manifeste une grande activité, échangeant des maisons, achetant un moulin à vent surmontant une tour de la Cité. En 1812, on le retrouve principal propriétaire du Moulin du Roi, qui dès le XVIII e siècle était une sorte de société par actions, et de " l'Ile " qui se trouve entre les deux bras de l'Aude. Pour augmenter la production du Moulin, il réalise divers travaux au barrage du Païcherou –qu'il est même accusé d'avoir rehaussé secrètement de 33 centimètres- et dans le bras droit de l'Aude qui alimente le Moulin. Cette énergie explique certainement son association, en 1816 avec un groupe de fabricants du textile qui veulent créer une filature capable de concurrencer la Trivalle, récemment mécanisée. Vié agrandit la prise d'eau dont il disposait à hauteur du Païcherou, et un canal fait bientôt tourner les roues à aubes actionnant les nouvelles machines. Le bâtiment a été construit avec les pierres de la Grande Barbacane et fait l'admiration des contemporains car il emploie 300 personnes en 1825 ; c'est la Filature de l'Ile qui fonctionnera jusqu'à la fin du second Empire. S. Vié ne fait pas partie des anciennes familles de marchands-fabricants, mais d'un groupe de nouveaux industriels apparus au début du XIXe siècle : très représentatif de cette génération, il s'efforce de gêner ses concurrents et d'empêcher leur développement et semble être un adversaire particulièrement coriace.

En 1832, ses fils font construire en aval du Moulin du Roi une usine qui assure la finition des draps, complétant ainsi le complexe familial ; c'est la " Tondeuse Vié " qui deviendra dans la seconde moitié du XIXe siècle une minoterie, " le Moulin Neuf " constituant avec le bâtiment en amont " les Moulins du Roi ".

Claude Marquié - Les Audois (ISBN 2-906442-07-0)