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Hôtels particuliers et maisons particulières

Les bâtiments les plus anciens qui nous sont parvenus datent de la fin du Moyen Age et du XVIème siècle. Ils ont souvent été construits par des « nobles d’épée », partie la plus ancienne du second ordre du royaume, parfois des juges-mages. Ces derniers, magistrats les plus importants du tribunal local, représentent le roi, ils aspirent à passer dans la « noblesse de robe »’ et y sont souvent parvenus. Durant cette période, la vie carcassonnaise est dominée par le groupe nobiliaire, qu’il soit formé de familles traditionnelles ou de maisons récemment agrégées aux premières. Certaines réalisations du XVIème siècle ont été répertoriées dans les siècles suivants, lorsque les transformations subies par la suite ont complètement modifié leur aspect : il en est ainsi par exemple de l’immeuble situé au numéro 75 de la rue de Verdun, dit « Hôtel des Roux d’Alzonne » dont l’allure actuelle est due aux travaux décidés plus tard par Roch David la Fajeolle.

Au XVIIème siècle, les choses changent quelque peu, bien que cette époque nous ait laissé moins de témoins. Quelques nobles, comme la famille Franc de Cahuzac continuent les traditions, mais d’autres groupes émergent, enrichis par la collecte des impôts, la fabrication des draps de laine ou le commerce.

Dans la mise en place du tissu urbain, il convient de ne pas négliger le rôle des incendies. Celui de 1622 brûla 156 maisons et 28 autres furent abattues afin de stopper sa propagation : il détruisit une grande partie de l’espace compris entre la place Carnot et le boulevard Jean-Jaurès d’une part, les rues de Verdun et Victor Hugo de l’autre. Après cette catastrophe, furent réalisées diverses constructions importantes : l’hôtel Franc de Cahuzac, une partie de l’hôtel Saint-Martin et trois des quatre angles qui forment le croisement des rues de Verdun et Courtejaire. Il a donc contribué involontairement à embellir la ville et il nous permet de dater certains immeubles.

Le XVIIIème siècle voit l’apogée de l’industrie textile carcassonnaise et de ses entrepreneurs appelés marchands-fabricants : ils représentent les plus grosses fortunes et contrôlent la vie de la cité. Ce terme doit être préféré à celui de « drapiers » qui désigne souvent, alors, des personnes qui ne drapent plus depuis longtemps. Ce dernier mot semble seulement conférer un brevet de notabilité chez de nombreux notaires. Il faut considérer aussi que ces marchands-fabricants ne produisent rien par eux-mêmes au sens habituel du terme : il s’agit simplement de capitalistes qui ont les moyens d’acheter les matières premières nécessaires, puis de payer les ouvriers qui travaillent chacun à leur domicile. Cette organisation peut expliquer la fréquente disposition des hôtels en plusieurs corps de bâtiments séparés par une ou deux cours : le propriétaire réside sur la rue, les autres immeubles hébergent provisoirement les laines, les produits tinctoriaux, les tissus et l’écurie.

La prise de pouvoir réalisée par ce groupe social au XVIIIème siècle se traduit par quelques constructions nouvelles, mais surtout par l’achat de demeures déjà existantes, appartenant à la noblesse, ce qui permet de donner aux nouveaux arrivants en quelque sorte « pignon sur rue ». En effet, la noblesse traditionnelle, au XVIIIème siècle, vivant sur ses terres, séjourne peu à Carcassonne, et ce retrait explique certainement le transfert de plusieurs des hôtels qu’elle occupait au XVIème siècle dans les mains des fabricants du textile.

Parmi ces derniers, certains mettent au goût du jour leurs hôtels, mais beaucoup les conservent en l’état, et, eu égard à leur richesse, on est un peu déçu qu’ils n’aient pas construit davantage, ce qui peut s’expliquer par le coût des travaux (plus de 150.000 livres pour les plus importants) mais aussi par la structure médiévale de la ville : les nouveaux éléments doivent s’insérer dans les carrons, ce qui pose divers problèmes. D’autre part, les riches carcassonnais ne veulent pas étaler leur réussite. Les styles « Régence » et « Louis XV » sont adaptés au milieu local, et on en garde seulement certains éléments : organisation générale des façades, escalier d’honneur avec galerie, agencement des appartements du premier étage, grandes baies éclairant de vastes pièces de réception aux plafonds très hauts.

Enfin certaines réalisations de cette époque sont dues aux catégories mentionnées précédemment : juge mage, collecteur d’impôts ; on peut leur adjoindre l’Evêque Monseigneur Bazin de Bezons qui fixa alors sa résidence dans la Bastide, immeuble qui est aujourd’hui le siège de la Préfecture de l’Aude.

Ainsi, encore de nos jours le paysage urbain de cette dernière est-il marqué par les constructions réalisées durant les trois siècles passés.